D’un château l’autre

Mains d’écrivains – Céline – fusain sur toile – 20 x 20 cm

La guerre, la première avait conduit à une telle boucherie qu’on n’en voulait plus, « plus jamais ça » et puis certains avaient pensé que c’était les grandes puissances financières et industrielles qui cherchaient à faire la guerre, pour détruire, produire pour détruire et puis produire pour reconstruire. On avait trouvé un bouc émissaire.

– Ah je suis pacifiste total d’autant plus que je suis médaillé militaire depuis le mois de septembre, depuis le moi d’octobre 1914, ça date pas d’hier. Je suis mutilé de guerre 80 % je le sens n’est-ce-pas encore actuellement et par conséquent j’ai tout à fait le droit d’être pacifiste. Je me suis engagé dans la seconde guerre même comme médecin, j’ai été coulé d’un bateau au large de Gibraltar. Je connais bien les petits à-côté de la guerre. Je n’aime pas… je n’aime pas. Je trouve cela imbécile et tout à fait défavorable à une société quelconque..

Louis-Ferdinand Céline Entretien avec Louis-Albert Zbinden enregistré pour la Radio Suisse Romande en juillet 1957, à l’occasion de la sortie de « D’un château l’autre ».

On trouve la suite de l’entretien en totalité ici. Quand l’écrivain tente de se justifier de son délire d’avant-guerre.

 

Céline sort son grand Roman, D’un Château l’autre en 1957, qui débute la « trilogie Allemande. » Les deux autres livres à venir sont Nord (1960) et Rigodon (1969).

Grand roman… Enfin ce n’est pas l’avis de tout le monde :  Dans l ‘Express le 14/06/1957 : «Louis-Ferdinand Céline publie ce mois-ci un livre de 600 pages, « D’un château l’autre », où il vomit, dans un flot de rancœur et de points de suspension ses souvenirs de guerre. Après son exode à Sigmaringen, où il se trouva en même temps que Pétain, Laval, Brinon, Abetz, après son internement de dix-huit mois au Danemark, où il s’enfuit, le voilà à soixante-trois ans dans son pavillon de Meudon, amnistié après une faible condamnation (un an de prison par contumace), vivant maigrement de son activité de médecin et n’en finissant pas de son voyage au bout de la haine. » (Entretien avec Madeleine Chapsal que l’on peut lire ici).

Louise de Vilmorin qui outre ses romans et Poèmes, vient d’écrire le scénario des Amants, le film de Louis Malle, répond à la question de François Truffaut pour Arts (2 Avril 1958) « quel est le meilleur écrivain actuel : « De grand je ne connais que Céline, il est le seul écrivain à écrire avec ses tripes. Céline c’est grand, c’est audacieux, c’est compromettant. »

Certains se sont arrangés avec l’occupant, avec l’occupation, avec l’horreur, ont collaborés ou, ont seulement fermés les yeux. On a vu la débâcle puis les retournements de vestes.

« c’est un moment de l’histoire de France qu’on le veuille ou non… il peut être regrettable on peut le regretter mais enfin c’est tout de même un moment de l’Histoire de France. Ça existé et un jour en en parlera dans les écoles… » Il ne regrette rien de ce qu’il a écrit – Les pamphlets antisémites ? Tout ça c’était pour la paix, pour la souveraineté de la France. Les juifs ? Une secte au service de la Guerre…
Il a péché par orgueil, il aurait dû se taire… Délire, plus de digues.

  «  Mon Dieu, que ce serait agréable de garder tout ceci pour soi !… plus dire un mot, plus rien à écrire, qu’on vous foute extrêmement la paix… on irait finir quelque part au bord de la mer… pas la Côte d’Azur !… la mer la vraie, l’Océan… on parlerait plus à personne, tout à fait tranquille, oublié… mais la croque, Mimile ?… trompettes et grosse caisse !… aux agrès, vieux clown ! et que ça saute ! »
« D ‘un château l’Autre ». Un livre d’histoire ? Une voix française.
Mea Culpa en 1936 était un aveu, l’aveu d’avoir eu tort, d’avoir cru au renouveau socialiste.…
Céline revient d’URSS, furieux de s’être fait avoir.
Après la boucherie de 14-18, la supercherie Soviétique, il ne reste rien. Il a été au front, il en a décrit les horreurs. Il est allé en URSS et en a décelé toute l’hypocrisie. Il l’écrit dans ce 1er pamphlet. Il va produire trois autres pamphlets  : Bagatelle pour un massacreL’École des cadavres et Les beaux draps – flot ordures, il se laisse emporter. Céline désigne les coupables, boucs émissaires de cette folie européenne. « les juifs », C’est une position répandue dans les années trente. Il va continuer à vociférer. Voilà l’affaire Céline. Des pamphlets d’un antisémitisme qui semble sans limite (comme l’écriture de Céline est sans limite). Le plus grand romancier français du vingtième siècle produit trois livres abjects dans son style, et son style évolue (les trois points…).
Les pamphlets ne sont pas réédités, j’ai les exemplaires défraîchis dans la bibliothèque. Je cale dès que j’essaie de me plonger dans ce torrent de délire paranoïaque.
Les pamphlets se vendent chers chez les bouquinistes, se sont des têtes de gondoles de la fachosphère.
Je tape sur Google « Bagatelle pour un massacre – texte intégral », un article de Wikipédia sur la vie et l’œuvre, et le texte disponible sous le deuxième lien. .pdf, format universel.
Qui a encore envie de lire Céline ? Voyage au bout de la Nuit, Mort à crédit… et puis le noir.
Céline ? plus aucun danger ? pour ceux qui ne l’ont pas lu, c’est la peste brune. On se souvient de cela. Pour les lecteurs de roman ; le voyage est cette description minutieuse, de la misère, de la haine, de l’horreur… Bardamu en voyage au cœur de l’effroyable drame.

Mains d’écrivains – Céline – fusain sur toile – 20 x 20 cm

Céline à la télé, Lecture pour tous (1957) à propos d’« un château l’autre » ou plutôt au sujet de ses ennuis. Céline, semble comme une marionnette les bras vides, les genoux serrés l’un contre l’autre, le regard baissé. Il répond en marmottant, il se plaint de ses difficultés matérielles, il est innocent, lui violent ? non. Il est comme une chienne de traineau qui avertit tout le traîneau qu’il va s’embarquer dans la crevasse… il a la finesse d’une chienne de traîneau. il est raffiné, il relève la tête « Je suis raffiné mettons que je suis raffiné. On m’accable parce que je suis raffiné… » mais il sait aussi se faire vindicatif, et pointer du doigt. Ses contemporains sont lourds… voilà.
Céline. D’un Château l’Autre. P. 132 « bourriques partout. Tout les pays du monde : bourriques. L’homme encore plus que satyre, voleur, assassin et par-dessus tout, plus que tout : bourrique ! »
Pour les jeunes générations : bourrique ? dictionnaire Larousse : Bourrique : personne entêtée et stupide. Argot : policier. Céline encore  : …les gens riches se posent des questions… peuvent… les paumés, pas d’âge ! pas d’état de santé ! Foncent !
«  Mon Dieu que ce serait agréable de garder tout cela pour soi ! …plus dire un mot, plus rien écrire…»

Mains d’écrivains – Céline – huile sur toile – 20 x 20 cm

Alors puisqu’on le sait, on baisse un peu la tête… d’autres bombent le torse. On reconstruit.

Et puis voilà que l’on commence à entendre des choses pas très nettes qui se produiraient à Alger. Les paras. « Pas les nôtres, non ! »

Au retour du service, les jeunes gens ne diront rien (n’écriront rien). Reste les livres d’histoire, la politique.
Mon père me répondra, lorsque je l’interrogerai : « c’était la merde, en parler c’est remuer la merde. ». ce qui va contre la psychanalyse mais aussi contre ce que semblent me montrer les photographies de son album. Rien ne transparaît sur les photos prises par les gamins.

Une chanson de pacifiste écrite en 1954, par Vian Le déserteur. Mon père ne désertera pas – Un peu, plus tard, des obligations familiales, ou du moins déléguera-t-il les affaires courantes à sa femme, comme bon nombre de bonhommes de sa génération -, Mon père ne désertera pas l’armée Française d’AFN. Avant 20 ans, à vingt ans, on a encore le droit de se tromper. Que faire d’une jeunesse ? Le maintien de l’ordre.

On peut aussi écouter Quand un soldat chanson datée de 1952, écrite par Francis Lemarque (et interprétée ici par Montand)

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