mains de pianistes – Gould
Mains de pianistes – Glenn Gould 1959
Huile sur toile 30×30 cm
2023
Quatre ans pour connaître la gloire,
quatre ans pour mettre fin à sa carrière.
1955 – Deux concerts à New York, seulement 35 personnes y assistent, mais ce sont les plus influentes de la ville.
Des journalistes, les concerts ont créé la nouvelle sensation. Un pianiste du niveau de Dinu Lippati ?
Oui, Un canadien,
Il est hélas un peu fou mais mais il produit sur le public un effet « littéralement hypnotique » (Steiner)
Atmosphère religieuse (à Town Hall) ; fascinant.
Glenn Gould choisi d’enregistrer, les variations Goldberg de Bach, œuvre réputée difficile d’accès, conceptuelle. On le laisse faire.
Glenn frigorifié, portant son écharpe du grand Nord, sa casquette, il se plonge les bras dans une bassine d’eau chaude avant de jouer, il a aussi apporté sa chaise.
En 1953, son père lui a bricolé un siège de piano à partir d’une chaise pliante dont il a scié les pieds : dossier légèrement incliné vers l’avant, assise à 35 centimètres du sol. Cette chaise deviendra vite mythique. Gould l’utilisera de manière exclusive tout le reste de sa vie, pour tous ses concerts, tous ses enregistrements… Elle finira tellement abîmée – la bourre échappant de toutes parts, le revêtement tombant en lambeaux – qu’on sera plusieurs fois obligé de la consolider avec des fils de fer ou du ruban adhésif. Qu’importe, Glenn ne jouera jamais plus sans cette assise paternelle.
Bonne humeur mais grande exigence. 27° pas plus, pas moins et sans courant d’air.
Des photos, 30 photos autant que de variations Goldberg, Gould, Glamour. Beau ? Avec un air de grand benêts boutonneux.
Louanges des critiques. Il devient une star et ce succès est accompagné de troubles émotifs, de troubles alimentaires… de peur souvent hypocondriaques.
Les concerts s’enchainent, son style flamboyant fait rire, ce cinglé est un génie.
1957 – Carnegie Hall, Beethoven avec Leonard Bernstein
Il a 25 ans, les plus grands se l’arrachent.
Il voyage en Russie ; un jeune homme libre d’Amérique du Nord, ambassadeur du monde libre au pays des Soviets.
C’est incroyable, c’est un triomphe. Tournée à guichets fermés.
Il rencontre Richter, estime réciproque.
Concerts supplémentaires… Il interprète des œuvres de l’école de Vienne (encore interdite) –
Et Bach, le religieux ! A Leningrad.
Glenn Gould ne reviendra plus jamais en Russie.
Avant de rentrer, il s’arrête en Allemagne pour jouer avec le Philharmonique de Berlin et Karajan, incompatibilité de style. Mais ils s’adorent !
et puis Vienne…
Les mains longues, fines, doigts souples et forts.
Une trentaine de concerts pour la saison 1957-1958.
Glenn montre des signes de fatigue les six premiers mois de 1958…
Août 1958, il débute une tournée en Europe , pour quatre mois.
Il chope une grippe et se réfugie dans un hôtel à Hambourg, y reste cloitré pendant plus d’un mois, annule ses concerts.
Il se diagnostique une bronchite chronique, c’est idyllique.
Il cherche à faire annuler deux semaines de concerts en Israël, mais finalement c’est un grand plaisir pour le public et pour lui…
Tournée en Amérique du Nord, de nouveaux en Europe… En Angleterre, fièvre, il annule son dernier concert et rentre au Canada.
On produit 2 documentaires sur le pianiste bizarre, pour L’Office du Film Canadien.
2 x 1/2 heure. On the Record à New York où on le voit essayer des Pianos et Off the record tourné à l’été 59, dans son cottage, près du lac Simcoe, dans l’Ontario… avec en arrière plan le chant des oiseaux et comme unique auditeur, son chien.
Août 1959, retour en Europe, mauvais rhume, ultime annulation, il rentre et ne quittera plus jamais le continent américain.
Gould c’est avec Bach. Avec Beethoven c’est un peu affecté comme avec Haydn… C’est la faute à Beethoven, à Haydn.
Bach est avec Gould, ils sont indissociables depuis la fin des années 50 du XXe siècle, Bach au XXe est avec Gould… ce qui fait dire à certain pianiste qu’il n’est plus vraiment Bach…
Bach serait devenu Gould alors ? Non.
Un garçon canadien ferait passer la musique de Dieu, parce que Bach est avec Dieu, c’est avéré.
Un jeune homme ferait passer Dieu par son corps
ce qui fut Dieu, au plus proche, divin mortel.
Il se recroqueville, il est rétracté sur la pointe, et il s’en va partout. Ses mains sont longues et crochées, marteaux et colombes ; et le contrepoint. Son corps se met à se balancer de droite à gauche, stéréotypie, il fredonne, rythme, et phrasé, bouche ouverte. Un léger râle. C’est la joie.
Les mains sont le prolongement de la pensée.