Police
Quai des orfèvres – huile sur toile – 81 x 100 cm
France. 24/05/1957 : Paris. Le FLN assassine l’ancien président de l’assemblée Algérienne. Le meurtrier : Mohammed Ben Sadok, est arrêté et condamné à perpétuité.
En décembre 1957, lors de sa comparution devant le TPFA à Paris, Mohamed Ben Sadok, en dépit de son jeune âge, va subjuguer le prétoire, magistrats, journalistes et témoins compris, en maîtrisant, de bout en bout, les débats.
Il avait tiré une seule balle de pistolet à travers la poche de sa veste sur Chekkal, vice-président de l’Assemblée algérienne, entouré de son service d’ordre, à la sortie d’un match de football. Il se laissa arrêter.
L’arrestation de Mohammed ben Sadok a eu lieue en mai 1957. Juste après son forfait.
Sartre et Beauvoir sont au procès de Ben Saddok. On trouve sur internet la trace d’une photo de De Beauvoir lors du procès… Image rémanente. Le fichier lié est parti (autre part, trop loin, pour trouver le temps de le retrouver). Beauvoir relate le procès dans La Force des Choses :
« Le 10 décembre s’ouvrit le procès Ben Saddok. Quelque mois plus tôt, au sortir du Stade de Colombes, il avait abattu Ali Chehkal, ancien vice-président de l’assemblée algérien et le plus important des collabos musulmans. Pierre Stibbe cita comme témoins à décharge des intellectuels de gauche, dont Sartre. Sartre était ému quand nous nous rendîmes au Palais de Justice ; dans les conférences, dans les meetings, les paroles ne pèsent pas lourd, mais ce jour là, un homme jouait sa tête. S’il le sauvait d’ici quelques années une amnistie ferait à nouveau de lui un homme libre : l’alternative entre la mort et la vie était beaucoup plus extrême que dans les procès ordinaires. D’où l’angoisse des témoins, chacun pouvant penser que sa déposition risquait de faire définitivement pencher la décision des jurés. (…) Je regardai l’homme jeune qui se tenait dans le box des accusés : il avait accompli un acte analogue à ceux que pendant la résistance, on appelait héroïques ; cependant des français allait lui faire payer, peut-être de sa vie. (…) Sartre fut un des dernier à déposer. Rien ne marqua son trouble sinon que parlant avec une déférence compassée de mort, il l’appela Ali Chacal. Comparant son attitude à celle de Ben Saddok, il expliqua que les jeunes ne pouvaient pas avoir la patience de leurs aînés car ils ne connaissaient de la France qu’un visage sanguinaire. Il souligna ensuite que l’acte accompli par Saddok était un meurtre politique et ne devait pas être assimilé à un attentat terroriste. (…) Germaine Tillion constata que la France avait acculé la jeunesse à la haine. Un instituteur avait proposé à ses élèves, des musulmans d’une dizaine d’années, ce sujet de rédaction : “Que feriez-vous si vous étiez invisibles. ?” ; elle avait lu quelques unes de leurs dépositions : tous avaient répondu, à travers des fantasmes divers : “Je tuerais tous les français” (…)
C’est avec soulagement que nous apprîmes le verdict. Détention perpétuelle : mais à la fin de la guerre les prisons s’ouvriraient. »
Sartre écrit la Critique de la Raison dialectique, (grâce à Un tube de Corydrane par jour) va publier sa Pièce, Les Séquestrés d’Altona. , Beauvoir publie ses mémoires d’enfance (Mémoire d’une Jeune fille rangée), un essai sur La Chine. Sarte et Beauvoir militent. Is voyagent.
Dans les actualités, alors, c’est le black-out sur les « évènements » d’Algérie. Les actualités cinématographiques relatent toujours la guerre sous l’angle des exactions de terroristes Algériens, du ralliement de ceux-là à l’armée française, ou vantent le progrès apporté par la France en Afrique du Nord. Il y a aussi les films de pure propagande « Si comme des peuples arriérés le demandent à la France d’abandonner le pétrole du Sahara, ses débouchés à l’exportation, c’est 1 million de chômeurs en plus. La France à bonne conscience pour dire à la face du monde qu’elle n’entend pas coloniser et asservir mais moderniser et humaniser ». Le mot de chômage, la modernisation comme garant de l’humain, reste un des meilleurs moyens pour maintenir l’ordre existant. Les Français apportent la civilisation, la médecine, la formation professionnelle, le travail, l’argent…
On montre beaucoup pour ne rien montrer de vrai, on construit des identités fausses avec des images sélectionnées. Même s’ils savent, ils ne savent rien.
Des images qui montrent tout autre chose que ce qui se passe « vraiment »,
Des discours qui tournent en boucle afin d’éviter toute discussion…
Aujourd’hui tout est disponible en ligne, les Datas sont à disposition. Que sait-on de plus ? On noie nos regards blasés sous des milliards d’images, on apprend, on contredit, les rumeurs enflent, désenflent, redoublent. Plus ou moins crédibles. Il nous faut choisir dans cette accumulation.
La lumière, les contrastes accentués dans l’escalier du 36 quai des Orfèvres ne sont dut qu’à la présence des caméras. Actualités cinématographiques qui dessineront un spectre noir enveloppant le policier. Les flics portent des lunettes de soleil ce qui leur donne un air de durs comme on en voit au cinéma américain.
C’est une mise-en-scène. Quelle prouesse ! Il faut déplacer le matériel, mettre en place l’éclairage… On attend et on rejoue la scène ?. Grande efficacité de communication ! On va améliorer tout ça. Techniquement.
_________________
La Soif du mal (Touch of Evil) est un film policier américain réalisé par Orson Welles, sorti en 1958. Il commence par le plus long plan-séquence à la grue de l’histoire du cinéma.
Le synopsis : l’explosion d’une bombe dans le secteur américain de Los Robles, petite ville frontalière entre les États-Unis et le Mexique fait craindre des complications entre les deux pays. Un policier mexicain, Mike Vargas, alors en voyage de noces, décide de s’investir dans l’enquête et découvre les méthodes peu recommandables de son homologue, Hank Quinlan.
Vargas et sa femme se retrouvent pris au piège entre une police locale corrompue et les gangs locaux…
Avec Charlton Heston et Jason Leigh
Durée : 95 minutes (cinéma) / 111 minutes (version director’s cut restaurée)
Film Noir en Clair-Obscur – mise-en-scène virtuose, plongées et contre plongées. Musique d’Henri Mancini.
Dans Les Inrocks en 1999 Frédéric Bonnaud écrit :
« Premier film depuis Macbeth tourné par Welles sur le sol américain et pour une compagnie hollywoodienne, La Soif du mal sera aussi le dernier. Et le « Adios ! » final de Marlène Dietrich restera comme une triste prémonition. Tout avait pourtant bien commencé. Universal avait l’accord de Charlton Heston, mais celui-ci avait exigé que ce soit Welles et personne d’autre qui dirige cette adaptation d’un mauvais script policier qui traînait sur les étagères du studio. Welles commence par tout récrire, avant de faire l’admiration de tous par sa vitesse d’exécution. Soucieux de se débarrasser de sa mauvaise réputation et de prouver à Hollywood qu’il peut faire mieux et surtout aussi vite que les autres, il boucle le film en cinq semaines. Les executives d’Universal envisagent alors de lui proposer un contrat de cinq films.
Les ennuis commencent au moment du montage, comme d’habitude. Effrayés par les options de Welles et par un travail qui ne va pas assez vite à leur goût (d’autant que Welles file au Mexique avec Akim Tamiroff pour tourner Don Quichotte au lieu de veiller au grain…), les producteurs ignorent ses injures et l’interdisent de salle de montage. Après six mois de mise à l’écart, Welles est autorisé à voir le résultat lors d’une unique projection. Il est horrifié et découvre que des scènes « explicatives » qu’il n’avait pas tournées ont été rajoutées. Il écrit alors un long mémo de cinquante-huit pages au directeur d’Universal, Edward Muhl. Welles y fait alterner humour et déception rageuse pour convaincre le studio de la justesse de ses options de montage. Certaines de ses suggestions sont retenues, d’autres passent à la trappe. Mais la catastrophe est complète quand, après une preview qui se passe mal, le studio décide de réduire le film à une version de 95 minutes. Définitivement écœuré, Welles ne visionne même pas ce nouveau montage. Il a toujours affirmé qu’il n’avait plus revu son film depuis la première projection. Touch of Evil sort en salles au printemps 58, comme une série B, en complément de programme de The Female animal, un mélo vite oublié qui marquait la tentative de come-back d’Hedy Lamarr. Il faudra attendre la sortie européenne et les réactions enthousiastes des critiques des Cahiers pour que le film accède au rang de chef-d’œuvre et de « classique » instantané.»