Baby look

Babylook– huile sur toile – 65 x 54 cm

« Paris est en deuil.  Christian Dior s’en va… Parmi cette foule grise d’un métropolitain matinal, il n’y avait pas une femme qui aurait pu avoir l’espoir de posséder un jour une robe de chez Dior »
Pas d’espoir, pas l’espoir d’avoir un jour l’espoir et une foule en deuil. Christian DIor s’est éteint le 24 octobre 1957.
Héritier d’une manufacture d’engrais sis à Granville, Cotentin. Installé à Neuilly, son père perd aux jeu des affaires. M. Christian Dior est obligé de travailler. (fut obligé de gagner sa vie). En celui que l’on croyait un aimable dilettante condamné par des circonstances malheureuses au travail, on découvrit un autre Christian Dior, issu de trois générations d’industriels granvillais et de plusieurs siècles d’atavisme paysans. Un Christian dont l’œil bleu abandonnait soudain la vague des chimères pour se fixer implacable comme une règle à calculer sur le détail, sur le chiffre, sur l’erreur qu’on avait voulu lui dissimuler… (Paris-Match du 2 novembre 1957 – Guillaume Hanoteau ).
Christian a été galeriste, indigent auprès de ses amis, a fait le siège des grandes maisons de couture pour placer ses dessins, a rencontré Marcel Boussac, le « roi du coton » en 1945. Le New-look, la robe en 8…
« Dans quelques années le new-look ne sera peut-être plus qu’un souvenir frivole, mais Christian Dior demeurera l’homme qui a fait de la couture artisanale une industrie… »

Ça n’explique pas pourquoi cette image arrête. Paris dans la lumière d’une journée ensoleillée. Place de la Madeleine ? Une fille en clair, figée, qui pourrait bien être Jacky Kennedy mais non c’est un mannequin, cheveux court, petit chapeau pointu, gants courts.. Maquillage forcé autour des yeux. Une plaine page de publicité dans Panorama du Monde. En noir et blanc.  Panorama – Actualités – Supplément mensuel de Panorama du Monde. Mars 1958.. Une revue dont on ne trouve la trace nulle part sur internet. Sauf à acheter des numéros d’époque.. Mensuel. Numéro 31. J’en ai trouvé trois numéros sur un vide-grenier à Etretat.. Dior est mort. Vive Dior. « Un inconnu conquiert en quelques heures la consécration suprême. Cet inconnu, mince, efflanqué comme un lévrier malade, au regard timide derrière des lunettes de pion, c’est Yves-Saint-Laurent. . Il est digne du grand Dior tranchent les vingt Messieurs-Dames qui font la loi dans la haute couture. » On l’embrasse, on le félicite pour sa nouvelle ligne “ trapèze”. « Le nouvel enchanteur de l’avenue Montaigne a en quelques heures remisé la « robe-sac » au grenier. Espérons qu’elle n’en sortira plus. L’empire Dior a joué et gagné. Jamais les acheteurs étrangers n’ont passé autant de commandes dès le premier jour. Monsieur Marcel Boussac, le propriétaire réel de la maison Dior, peut afficher un sourire heureux : le dernier « poulain «  de son écurie a gagné de dix longueurs. »
Un peu plus loin, le journaliste relate le crash de l’avion transportant l’équipe de foot de Manchester. Et parle de guets-apens, de fusillades à la frontière entre l’Algérie et la Tunisie.

Le 6 février 1958 : Arrivée à Martigues de la première cargaison de pétrole algérien. Le 24 Janvier. Le directeur de l’institut britannique de recherches nucléaires de Harwell, Sir John D. Cockcroft et le président du Centre américain Lewis L. Strauss, viennent d’annoncer qu’ils ont pour le première fois réussi dans leurs installations une fusion nucléaire contrôlée. Mort de Gorges Rouault, le 13 février 1958. Le 17 Mars, Fidel Castro lance un ultimatum à Batista. Le 18 , à Bruxelles, l’atomium représentant la structure du fer est achevé. Le 27 mars saisi du livre d’Henri Alleg. Le 24 mars. Elvis Presley était incorporé pour accomplir son service militaire. Le 1er mars, décès du peintre italien Giacomo Bella. Le 3 avril 1958, début de l’offensive Castriste contre La Havane.
Ça bouge, ça remue. Yves Saint Laurent sous le nom de Dior et les capitaux de Boussac étonne le tout Paris. Il s’agit évidemment encore de se préoccuper de la Beauté des Femmes. Ah les femmes. Le New look ? La corolle, la robe « en 8 » Eva Garner, Lauren Bacall, Marlene Dietrich…

Ce qui m’arrête, c’est la fausseté de la pose du mannequin pour la photo. Et de l’accroche qui va avec (ou inversement). «  La mode audacieuse, désinvolte et raccourcie est «  follement » jeune. Le Baby look 58 transforme chaque femme en poupée. »
La femme qui n’existe pas. Une mineure qui flatte le regard de son époux.
« Ensemble de toile shantung grège de Grès – veste « marinière » avec cravate abricot. (on ne voit pas l’abricot sur la photo noire mais on imagine bien cet orange blanchit comme couleur à la mode) Tendances générales : Longueur : cette année les robes sont courtes, très courtes de 43 à 47 cm du sol, parfois 50, en moyenne, juste au dessous du genou.
Les manteaux ; droits devant, ils sont gonflés dans le dos à l’aide de plis, de drapés, de fronces qui sont rattrapés dans le bas. Raccourcis en 9/10, ils laissent dépasser la robe du même ton. Les manches amples sont parfois soudées au corps en « chauve-souris ». Les encolures laissent toutes liberté au cou… Les tailleurs vestes longues sur robes « fuseaux » ou vestes courtes, sans basque, appuyées sur les hanches, reposant sur des jupes gonflées, cloches plissées, ils sont accompagnés de chemisiers de mousseline ou de courtes « chemises » courtes et décolletés de la taille… les robes, ce sont elles qui définissent la mieux la nouvelle ligne, Chez Dior le trapèze en est l’élément de base…
Encore un mot pour les couleurs. Beaucoup de bleu-marine et blanc, de blanc, beaucoup de rose, quelques rouges, des beiges, des verts et un nouveau marron-castor. Toutes ces couleurs allégées pour le soir par des tissus diaphanes. Ce printemps la légèreté est à l’ordre du jour. »

Dans Panorama du Monde il y a quelques pages en couleur, des publicités, des pages de promotion, d’objets ou de décors, de paysages exotiques.
Dans les actualités Françaises, qui sont diffusés au cinéma – on peut les visionner sur le site de l’INA, semaines après semaines, – les actualités de la mode sont en couleur alors que les faits politiques, ou sociétaux sont en noir et blanc.

Il pense au pays, ici, sous la chaleur d’Alger.
Beni Messous.
Les femmes sont en couleur, les femmes qu’on aperçoit dans les bleds ont la peau brune. Sur les photos, dans les films la plupart sont grises… lorsque les films viennent d’Amérique, la peau est rose. On a commencé à voir cela par chez nous.
Celle qui est resté au village a les yeux bleus. Son père sera-t-il d’accord ? Pour la sortir d’abord. Allez au Cinéma, c’est facile. Elle est ouvreuse, il est à la buvette… Le cinéma est une œuvre paroissiale. Mais pour le bal…
Nous irons à Paris.

Pour le travail, il suffira de me présenter chez un patron et d’obéir aux ordres. On obéit aux ordres alors que l’on sait très bien tout seul ce qu’il faut faire pour s’en tirer. Mais s’il est chef c’est qu’il a quelque chose en plus. Je ne sais pas bien où ça se place mais c’est comme ça , ça a toujours été comme ça.
Pour le plaisir, Je jouerai au football… je pourrai même espérer, avoir quelques ambitions.
Mais je ne pourrai jamais lui offrir ces robes là, avec ou sans couleur. Elle les confectionnera elle-même en imitant, autant que faire se peut. Ce n’est pas pour nous. Il nous faudra une maison.

jeanBartet

 

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