modification

Modification – huile sur toile + collages  – 45 x 64 cm

Extraire la vierge de son tableau, maculer son image sur l’image de la modernité française. Le cinéma d’auteur de la nouvelle vague va bousculer les films français « de qualité », tournés en studio, décors et images parfaitement éclairées, Dialogues ciselés… Ces jeunes gamins font faire des films de bric et de broc avec des nouvelles pellicules de définition moindre.

Les noirs de chabrol sont charbonneux, mais c’est une image pompier.

La vierge au chanoine Van Der Peale est une image moderne. Précise, Saturée, miniature (on s’arrête sur chaque détail comme sur une miniature, de très prêt, à la loupe.), imaginaire, photographique, cinématographique (un plan)…

L’image cinématographique de la fin des années 50, est technologique ou littéraire, technicolor, en cinémascope, ou bien écrite comme un tableau, composée. Professionnelle ou expérimentale, produite et vendue grâce aux stars, ou grâce à son réalisateur, son auteur, son opérateur. Spectaculaire, de masse, ou révolutionnaire, pour quelques initiés. tout cela se mêle évidemment.
Les images peintes, les images plastiques cherchaient face au images de ciné, obscurément à se rendre intéressantes.

Cette image là qui daterait la modernité est en tout point mélodramatique, ce qui n’a rien de moderne. La « modifier », la « détourner » comme pouvait le faire alors les situationnistes. Les situationnistes s’intéressent évidemment à la peinture qui est en pleine décomposition. Le Tachisme… ! C’est Asger Jorn, peintre lui-même, qui s’en charge , en particulier. Dans Un tract allemand en janvier 1958 : « Pour les artistes uniquement
« Faits fondamentaux de la tragédie de l’art du XXe siècle : les marchands d’art sont des voleurs. Les marchands de couleur sont des brigands. Les historiens d’art sont des escrocs. Les acheteurs sont des idiots. Les critiques d’art sont des meurtriers. De toute façon l’art meurt même sans ces criminels notoires !
«
Pour les américains uniquement !
« Il n’est pas douteux que l’hégémonie du style en matière de nouvelles peintures ait été transféré de Paris à New York. Quelques artistes européens très murs qui contribuent de manière personnelle au style du XXe siècle, tels Giacometti et Balthus, ont montré à quel point ils savaient harmoniser leur sujet à leur monde réel. Il serait préférables que les Européens peignent au lieu d’imiter un jargon américain essentiellement inimitables ! »

Parution en mars 1958 de Pour la forme d’Asger Jorn.
Ébauche d’une méthodologie des arts. Paris, Internationale Situationniste, 27 x 22 cm. 137 pages. Illustration Originale de A Jorn

Pour la forme réunit des textes écrit entre 1954 et 1957, « qui pour l’auteur sont le carnet de notes d’une démarche expérimentale dont le développement correspond à la transition historique entre l’activité organisée autour de la revue « Cobra » (1948-1951) et les positions définies actuellement par l’Internationale situationniste.» tirage : 700 exemplaire. Accompagné de la carte de Paris découpée par Debord.et Jorn. « The naked City. » sous-titrée : Illustration de l’hypothèse des plaques tournantes en psychogéographie ». Noire et rouge.

Jorn le Danois est un des fondateurs du mouvement CoBrA (pour Copenhague, Bruxelles, Amsterdam).
«  Rendre possible l’impossible, rendre connu l’inconnu »
Jorn est à l’origine de la fusion de la MIBI (mouvement international pour le Bauhaus imaginiste avec Enersto Baj et Pinot-Galizio) (qu’il avait fondé en 1953), de l’Internationale lettriste et du Comité psychogéographique de Londres, en un seul mouvement unifié : l’Internationale situationniste, en 1957.
Programme du Bauhaus imaginiste en 1958 : « Où et comment trouver une place pour l’artiste à ce stade du développement du monde ? »
en 1959, il produit les peintures détournées : les Modifications (1959)

«  Modifications. Peinture détournée. Destinée au grand public se lit sans effort. Soyez modernes, collectionneurs, musées. Si vous avez des peintures anciennes, ne désespérez pas. Gardez vos souvenirs mais détournez les pour qu’ils correspondent à votre époque. Pourquoi rejeter l’ancien. si on peut le moderniser avec quelques traits de pinceau ? ça jette de l’actualité sur votre vieille culture. Soyez à la page, et distingués du même coup. La peinture, c’est fini. Autant donner le coup de grâce. Détournez.Vive la peinture.
Destiné aux connaisseurs.
Nécessite une attention limitée
Toutes les œuvres d’art sont des objets, et forcément à traiter en tant que tels, mais ces objets ne sont pas des buts en soi ; ce sont des instruments pour agir sur des spectateurs. L’objet artistique, quoique de caractère apparemment objectif, se pose ainsi comme un lien entre deux sujets, le sujet créateur et provocateur, et le sujet récepteur. Ce dernier ne voit pas dans l’œuvre d’art un objet pur, mais le signe d’une présence humaine.
La conception de l’art qu’est l’“action peinture” réduit l’art à un acte en soi où l’œuvre d’art, n’est que la trace, et où la communication avec le public n’existe plus. C’est l’attitude du créateur pur qui ne fait rien que se réaliser dans sa matière, pour son propre plaisir. Cette attitude est inconciliable avec l’intérêt pour l’objet en soi, l’œuvre d’art dans son anonymat ; le plaisir senti dans sa pureté devant une sculpture d’un pays inconnu, d’une époque incertaine. L’objet qui flotte librement dans l’espace et le temps. C’est surtout entre ces deux pôles que se situe ma préoccupation de l’objectivité et de la subjectivité, ou plus précisément entre ma volonté et mon intelligence. Quand à la troisième , celle du spectateur, j’avoue ne pas m’en soucier beaucoup. Tout arrive quand même à lui, en fin de compte, qu’on le veuille ou non. (…) L’objet réalité ou présence, ne prend de valeur que comme agent de devenir. Mais il est impossible d’établir un futur sans un passé.. Le futur se fait par l’abandon, ou le sacrifice du passé. Celui qui possède le passé d’un phénomène possède les sources de son devenir. (…) Je commence avec l’art. Notre passé est plein de devenir. Il n’y a qu’à casser les noix. Le détournement est un jeu dû à la capacité de dévalorisation. Celui qui est capable de dévaloriser peut seul créer de nouvelles valeurs. (…) la nourriture préférée de la peinture, c’est la peinture. (…) je dresse avec cette exposition le monument en l’honneur de la mauvaise peinture. Personnellement je l’aime mieux que la bonne. Mais surtout ce monument est indispensable. A moi comme à tout le monde. C’est la peinture sacrifiée.(…)
Ceux qui essaient de combattre la production de la peinture pompier sont les ennemis du meilleur art d’aujourd’hui. Ces lacs dans les forets, dans des milliers d’appartements, aux cadres dorés, sur papier peint, appartiennent aux aspirations les plus profondes de l’art. Les grands chefs-d’œuvres ne sont que des banalités accomplies et le manque, dans la plupart des banalités, c’est qu’elles ne sont pas complètes. La banalité n’est pas poussée ici jusqu’à l’infini dans sa profondeur et dans ses conséquences, mais se fonde sur une base d’esthétisme et de spiritualité. Ce qu’on appelle le naturel, c’est la banalité libérée, l’évidence. On ne trouve nulle part ailleurs qu’à Paris tant de choses de mauvais goût réunies. Ceci est justement le secret qui explique pourquoi Paris reste l’endroit où vit l’inspiration artistique. »

L’exposition d’Asger Jorn  « modifications » fut présentée du 6 mai au 28 mai 1959 à la Galerie Rive gauche, 44 rue de Fleurus, à Paris
Il s’agissait de vingt tableaux quelconques, partiellement repeint par Jorn. Les tableaux primitifs, qui avaient été faits en divers pays dans les cent dernières années, allaient du style pompier à l’impressionnisme. Le détournement pour les Situationnistes c’est «  le réemploi dans une nouvelle unité d’éléments artistiques préexistants. Les deux lois fondamentales du détournement sont la perte d’importance – allant jusqu’à la déperdition de son sens premier – de chaque élément autonome détourné ; et en même temps, l’organisation d’un autre élément signifiant, qui confère à chaque élément sa nouvelle portée (…)»
Les peintures détournées de Jorn donc, mais aussi Mémoires livre « entièrement composé d’élément préfabriqués de Debord et Jorn. Dans lequel chaque page se lit en tout sens, et où les rapports réciproques des phrases sont toujours inachevés. Le projet de Constant pour les sculptures détournées. Le documentaire détourné de Guy Debord.

L’image du Film de Chabrol, Le beau Serge, peinte comme une croûte et recouverte de coulures de peinture sanglante, évoquant le gore, le cinéma de « mauvais gout » ?
ou d’un banc-titre genre film de sciences fiction ?
ou une parodie de Jorn ?
Ironie : Adhérez aux thèses Situationnistes et s’exclure du groupe soi-même (comme Debord excluait les Situs les uns après les autres.)

écrits  de Jorn : Contre le fonctionnalisme, Paris, 1957
Fin de Copenhague, avec Guy Debord, « conseiller technique pour le détournement », Copenhague, 1957
Guldhorn og lykkehjul : Les cornes d’or et la roue de la fortune, Copenhague, 1957
Pour la forme, Paris, 1958
Critique de la politique économique, suivie de La Lutte finale, Paris, 1960

On trouve tout cela sur internet. Il faudrait poser des liens hypertext. Mais tout est dans le livre  » textes et documents situationnistes 1957-1960. Edition établie par Gérard Berréby Editions Allia, Paris 2004

Le pape apparaît sur sa chaise à porteur dans le film « sur le passage » de Debord.

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