Pape
Pape (Les 80 ans de Pie XII) – huile sur toile – 22 x 35 cm
Lorsque je visionne les Actualités Françaises de l’année 1957 sur le site de l’ina.fr, c’est l’image du pape, qui surgit la première.
Eugenio Maria Giuseppe Giovanni Pacelli est né à Rome le 2 mars 1876, le reportage est filmé l’année de ses 80 ans. La dernière semaine de l’année 1956 offre évidemment comme toute les dernières semaines de l’année l’occasion pour un pape de briller. Il a été élu pape en 1939 sous le nom de Pie XII
J’extrais et je reproduis cette image de piètre qualité. Pas de détail. Je peins. L’image du « pape des camps » est maintenant sur l’étagère. Elle me sert à faire des essai pour les noirs des tableaux en cours. Je pense ne pas la retenir pour l’exposition…
N’accroche-t-on au mur que le portrait de ceux qu’on aime, que l’on vénère ?
Le portraitiste fait une image à la gloire de celui qu’il peint. Du commanditaire, de celui qui le paie.
La propagande ou si vous préférer…
L’apologétique : Partie de la théologie qui a pour objet de démontrer la crédibilité rationnelle et historique du dogme. (Depuis Vatican II, l’apologétique s’inscrit dans une perspective plus irénique et constructive.) – irénique ? Attitude de compréhension et de charité, adoptée entre chrétiens de confessions différentes pour l’exposé et l’étude des problèmes qui les séparent. http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/
Un romancier ne dépeint pas ses personnage sous leurs meilleurs jours.
L’autoportrait de Van-Gogh halluciné n’est pas à sa gloire.
L’image rend-t-elle familier celui qu’elle re-présente quoiqu’il en soit ?
Signifier sur l’image que la personne représentée est un monstre, un coupable ? Sur-signifier : du sang qui coule sur l’image ? l’image dénaturée utilise les mêmes méthodes de propagande, la met au service d’un propos. C’est de l’information.
Utiliser le tableau pour cible et y planter des fléchettes. Où bien placer l’image en rapport avec d’autres (le pape qui regarde les corps décharnés dans les camps). Dans l’expo le placer en regards des corps, cadavres accumulés ?
On sait maintenant que Pie XII aida des juifs à fuir le nazisme.
Ce qu’on lui reproche c’est son silence. Il sera favorable à la décolonisation, à l’émancipation des peuples. Il dénoncera la torture. Qu’est-ce qu’une image sans légende ?
Le silence…
La photo c’est l’absence.
Dès que les anciens comprirent la force présence dont était capable la peinture, ils se firent portraiturer. Présence infinie de la surface peinte. Le roi est présent, représenté, multiplié. Sensément plus fidèle au modèle, la photo a cru prendre le relais, le monarque s’est fait photographier. Et c’est l’absence du monarque lui-même qui s’affiche sur les murs où dans toutes les mairies, à la une des magazines… Le petit-roi individuel est photographié, encadré et posé sur le bureau, sa photo témoigne de l’absence de son corps devenue simple image.
Les parents donnent beaucoup à voir l’absence de leur progéniture. « Ce qu’il était beau »,
« il est loin aujourd’hui »
On peut se demander si les papes n’ont pas perdus la vie éternelle depuis que les peintres ne font plus leurs portraits. Sixte V par Bellini, ules II et Léon X par Raphaël, Paul V par carvage, Paul III par Le Titien, Pie V par Le Greco, Clément XIII par Mengs, Pie VII par Jacques Louis David (figé tout de même) ; Innocent X par Vélasquez, électrisé par Bacon…
Son étude d’après le portrait du pape Innocent X par Velasquez date de 1953.
Francis Bacon peint en 1957 la série des « Van Gogh », en 1958, il signe un contrat avec la Galerie Marlborough.
Faire de la peinture et rien d’autre. C’est impossible. Pourquoi vouloir se séparer du monde. Peindre en se débarrassant du sujet était une idée très en vogue dans les années 50.
Le pape Pie XII, réduit à l’image, de son visage, comme sur un tableau de l’histoire de l’art. On ne préoccupe plus du sujet, on regarde la facture avec laquelle a été brossé la toile. Ce pape rangé au nombres des sujets de peinture comme les autres.
L’homme qui apparait à ses côtés sur l’image que je reproduis me fait irrésistiblement penser au chanoine Van Der Peale peint par Van Eyck. Il lui ressemble physiquement. La vierge au chanoîne Van der Peale a été peinte en 1434-36 à l’huile sur un panneau de chêne, l’œuvre était destinée à la célébration du donateur mais également à lui servir d’épitaphe dans l’église où il devait être inhumé. Sur la photo on ne voit pas la vierge. Le donateur la regardait (la regarde encore, la tableau est au présent immuable). Quel surnaturel est en face du regard du pape au XXe siècle ? Où est donc passé la figure de la Vierge-Marie ? La femme virginale dans la maternité ? Une femme de la fin des années 50, au fourneau face à son « armoire à cuillère », face à son son frigidaire, face à ses bambins têtes blondes que l’on va tous vacciner, à quoi bon prier ?
Le chanoine de Van Eyck ne regarde plus du même côté. Plusieurs possibilités
1 – la vierge à changé de bord.
2 – Le pape lui-même regardant dans cette direction, et comme il faut toujours regarder du côté ou regarde le souverain, fut-il de surcroit pontife, il s’est retourné.
J’ai lu quelque part que le chanoine Van der Peale fut « scriptor » auprès du pape. Ce qu’il vient faire ici ? Le chanoine à côté du pape Pie XII sur la photo me l’a rappelé. L’histoire de la peinture colonise les images d’actualité. Vous voyez apparaître des tableaux déjà peint.
Sur les images copiées à l’écran (72 ppp), il manque des informations. Si je cherche à les peindre au plus prêt, je suis forcé de donner à mon tour des informations, là où il n’y a que noir, gris, blanc indistincts (forme sans sens précis).
Je fouille, je cherche à comprendre comment telle forme (ou telle tache) peut se relier à telle autre. Tel personnage devient moustachu, tel objet doit prendre la forme d’un objet « similaire » que je connais. Je ne trouverai pas, parviendrais-je à une vraisemblance tout au plus.
Je reconstitue une image et la présente est faite de suppressions, de recoupements, de conjectures.
Le pape Pie XII meurt le 9 octobre 1958.