Embarquement

Embarquement  huile sur toile – 65 x 100 cm

On embarquait port de la Joliette à Marseille pour Alger. puis Beni Messous, au sud d’alger où on a été cantonné au  camp Basset. CIT 160. 7eme compagnie du train. Pour 28 mois !

Je suis de cette génération a n’avoir pas connu la guerre. Je n’ai pas été, enfant, frappé d’incompréhension devant les adultes qui prennent rage et terreur. Ni jeune homme emporté par quelques conflits meurtriers. Pas de soldatesque à fuir, pas d’ennemi à tuer.
Mes ancêtres avaient eux les leurs, jusqu’à mon père, et un conflit sans nom, sans mots pour le dire.
Mes aînés n’étaient pas des professionnels de la guerre, enrôlés en tant que jeunes servant un pays ou des idées, dont ils étaient les subordonnés, obéissant à des hommes qui obéissaient eux-mêmes à d’autres hommes, pas meilleurs, pas moins effrayants.  Y croyaient-ils plus que je ne crus à ceux de mon époque ? Appelés, ils répondaient contraints, forcés, dociles parce que ne se posait pas la question ou parce qu’il fallait mieux rester dans le rang. Je suis de la dernière génération qui ait fait son Service National. Le service Militaire en temps de paix. Je ne l’ai pas fait personnellement (TSS Terrain Schizoïde Simulé – c’était de la tarte, des litres de café, de bière, privé de sommeil).
Les gamins de mon âge (les hommes) ont tous des souvenirs de l’année qu’ils ont passés sous les drapeaux. A faire des exercices.
Souvenirs de chambrées, du maniement des armes, des camions, des chars, des sous-marins…
Les faits d’armes les plus marquants (outre le maniement des armes à feux) étaient les faits d’indiscipline qui les avaient conduits au trou, collés par un gradé sourcilleux. La relation de ces faits sans intérêt était ponctuée de francs éclats de rire. Ces mêmes éclats de rire soulignaient les rares moments où mon père parlaient des évènements d’Algérie : comment, sans même détenir le permis de conduire, on formait les soldats à la conduite des camions du transport des troupes. Bataillon de transport !!!  Une compagnie muletière !
Je suis un réfractaire de temps de paix. Réformé. Sans le prestige d’avoir dit non à une quelconque barbarie. je ne reçois au mieux qu’un sourire de connivence. Je n’ai pas connu le rite de passage viril, ce qui me laisse toujours un peu à l’écart du troupeau d’homme. Je n’ai pas risqué le peloton d’exécution. Je fait pourtant partie d’une génération de jeunes gens qui sont obligatoirement devenus des hommes au régiment. Et leurs bons souvenirs sont stoppés par une dénégation ahurie face au refus de me laisser incorporer. Je n’ai pas eu de copains de régiment, de ceux qu’on cherche à éviter afin de ne pas mettre à nu ces jeux de chambrées, un peu trop gaulois. Devant celui que l’on est devenu, le jeune homme que l’on était n’a pas toujours bonne tenue.
L’affectation des appelés en 1957 ne correspondait pas à la géographie mais à la classe et suivant les mois on se retrouvait ici ou là. Lorsqu’ils revenaient chez eux, Ils ne connaissaient plus personne ou presque des copains de casernes. A moins de les rechercher. Ce qu’il ne fit pas. Ils se retrouvaient entre anciens d’AFN. Afrique du Nord. Ayant tous fait la traversée, ayant participé peu ou prou aux événements. Soirée bal des anciens, éclats de rires garantis.

Mon grand-père lui ne riait pas lorsqu’il relatait son séjour dans un camp de travail en Allemagne. Il y avait la gravité en plus de la fierté. Son père avait été tué en 14, au front. Et lui, prisonnier dans un camp de travail, en tant que cordonnier en chef près de Cologne, avait cherché à s’évader en creusant un tunnel. N’y était pas parvenu…

C’est peut-être cette fierté là qui lui gonflait le torse lorsqu’il monta à bord, à Marseille. Il y avait le conseil de révision. J’ai été incorporé directement première classe en Algérie. On apprenait l’usage du fusil mitrailleur, à réagir en cas d’embuscade… Première classe puis brigadier puis Maréchal des logis (sergent-chef si tu veux, on était dans les transports). Je suis passé Adjudant-chef au retour, j’ai gagné un grade.
Le nom du bateau ? Il ne s’en souvenait pas.
– Au retour c’était le « ville d’Alger », il me semble. Mais je n’en suis même pas sûr…
J’ai eu une permission après 13 mois, je crois, je suis rentré en France. En Algérie, j’allais accueillir les jeunes appelés à leur descente du bateau, tous les deux mois pour qu’on les forme au transport, au permis de conduire… il a été question que je les accompagne depuis la France… mais finalement, non.

Le tableau est inspiré par des images d’archives (références à préciser). Le traitement fait penser à une case d’un roman graphique. Et renvoie à mes livres d’histoire en Bande dessinée. Des faits réels placés à distance par le dessin afin de ne pas trop effrayer les enfants…

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