Spoutnik

Spoutnik– huile sur toile – 22 x 35 cm

4 octobre 1957 : première date de la conquête de l’univers (Paris-Match n°445 du samedi 19 octobre 1957)

Spoutnik (en russe : compagnon de route) le premier satellite artificiel est mis sur orbite.

«  Il n’est pas possible de peindre la mortification américaine. Les éditoriaux des journaux, les déclarations des politiciens, les commentaires des techniciens n’en donnèrent qu’une faible idée parce qu’il furent tempérés par le parti pris de se monter beau joueur » Ecrit Raymond Cartier dans le magazine. Dans le match de l’espace, les Russes, viennent de marquer le premier point. Le satellite se meut sur une orbite de 900 kilomètres.

Le bip-bip entendu «  venait du premier étage de l’infini »

«  les hommes de demain seront familiers des espaces que hante le satellite artificiel. Aux hommes d’aujourd’hui, il faut un puissant effort d’imagination. »

Rien aujourd’hui de plus familier !

1957 : 3 objets lancés ; et ça ne va plus s’arrêter. En 2015, on recense plus de 7000 satellites inactifs autour de la terre. Plus de 1000 sont opérationnels. Si l’on cherche à compter les déchets, minuscules débris, on arrive au chiffre de 300 000. Et on va continuer. La terre devenu un grande poubelle de la technique, l’espace autour de la poubelle, une grande décharge. Les hommes de demain devront craindre que le ciel leur tombe sur la tête. Ce qui est une preuve du progrès de l’espèce.

Hannah Arendt dans le prologue à La condition de l’homme moderne (1958) écrit : « En 1957 un objet terrestre, fait de main d’homme, fut lancé dans l’univers ; pendant des semaines, il gravita autour de la terre conformément aux lois qui règlent le cours es corps célestes, le Soleil, la Lune, les étoiles. (…) cet événement, que rien, pas même la fusion de l’atome, ne saurait éclipser, eût été accueilli avec une joie sans mélange s’il ne s’était accompagné de circonstances militaires et politiques gênantes. (…) la réaction immédiate, telle qu’elle s’exprima sur le champs, ce fut le soulagement de voir accompli le premier “pas vers l’évasion des hommes hors de la prison terrestre”. (…) La terre est la quintessence même de la condition humaine, et la nature terrestre, pour autant que l’on sache, pourrait bien être la seule de l’univers à procurer aux humains un habitat où ils puissent se mouvoir et respirer sans effort et sans artifice. L’artifice humain du monde sépare l’existence humaine de tout milieu purement animal, mais la vie elle-même est en dehors de ce monde artificiel, et par la vie l’homme demeure lié à tous les autres organismes vivants. Depuis quelques temps, un grand nombre de recherches scientifiques s’efforcent de rendre la vie « artificielle » elle aussi, et de couper le dernier lien qui maintient encore l’homme parmi les enfants de la nature. C’est le même désir d’échapper à l’emprisonnement terrestre qui se manifeste dans les essais de création en éprouvette, dans le vœu de combiner “au microscope le plasma germinal provenant de personnes aux qualités garanties, afin de produire des êtres supérieurs” et “de modifier (leurs) tailles, formes et fonctions” et je soupçonne que l’envie d’échapper à la condition humaine expliquerait aussi l’espoir de prolonger la durée de l’existence fort au delà de cent ans, limite jusqu’ici admise. Cet homme futur que les savants produiront, nous disent-ils, en un siècle pas davantage, paraît en proie à la révolte contre l’existence humaine telle qu’elle est donnée, cadeau venu de nulle part (laïquement parlant) et qu’il veut pour ainsi dire échanger contre un ouvrage de ses propres mains. Il n’y a pas à douter que nous soyons capable de faire cet échange, de même qu’il n’y a pas de raison de douter que nous soyons capable à présent de détruire toute vie organique sur terre. La seule question est de savoir si nous souhaitons employer dans ce sens nos nouvelles connaissances scientifiques et techniques et que l’on pourrait en décider par des méthodes scientifiques. C’est une question politique primordiale que l’on ne peut guère, par conséquent abandonner aux professionnels de la science ni à ceux de la politique. (…) Il se pourrait, créatures terrestres qui avons commencé d’agir en habitants de l’univers, que nous ne soyons plus capables de comprendre, c’est-à-dire de penser et d’exprimer, les choses, que nous sommes cependant capables de faire. En ce cas tout se passerait comme si notre cerveau, qui constitue la condition matérielle, physique, de nos pensées, ne pouvait plus suivre ce que nous faisons, de sorte que désormais nous aurions vraiment besoin de machines pour penser et parler à notre place. »

Je ne sais si un jeune homme pense à d’autres espaces, plus larges. A la lune. Le désert à perte de vue. Entre hommes. Ils ne parlent, ni pensent, aux progrès en termes scientifiques, cela leur est impossible.

« Si nous suivions le conseil, si souvent répété aujourd’hui, d’adapter nos attitudes culturelles à l’état actuel des sciences, nous adopterions en toute honnêteté un mode de vie dans lequel le langage n’aurait plus de sens. Car les sciences ont été contraintes d’adopter une « langue » de symboles mathématiques qui, uniquement conçue à l’origine comme abréviation de propositions appartenant au langage, contient à présent des propositions absolument intraduisibles dans le langage.» (H. Arendt)

Ces jeunes hommes s’interrogent, se laissent un peu bercer par ce que leur racontent les actualités : « A Lyon une expérience qui bouleversera peut-être l’industrie des conserves, on a soumis pendant plusieurs minutes de banales pommes de terre à l’action des rayons Gamma, et l’on a comparé. Dix-huit mois plus tard les pomme de terre non traitées étaient pourries, les pommes irradiées intactes. L’anticipation d’aujourd’hui peut devenir demain réalité. » (actualités Françaises du 4/2/59)

Bientôt la poésie même n’aura plus de mystère : « Le microscope découvre à l’homme de science, un univers ou à travers un jeu de formes et de couleurs la réalité semble dépasser l’imagination. L’inspiration du peintre abstrait comme ici Serge Poliakoff le conduit à créer à l’aide des formes et des couleurs des œuvres qui semblent n’être qu’un jeu de l’imagination et pourtant il se produit de singulières rencontres. Cette composition de Poliakoff n’a-t-elle pas en effet un air de famille avec ces cristaux d’oxalate de potasse, ce grossissement d’une pelure d’oignon ne peut-il pas être rapproché de ce tableau de ce tableau de Max Ernst, nullement inspiré pourtant par le potager, drôle de rencontre due au hasard mais qui transforme tout à coup à nos yeux les peintres réputés abstraits en tant de peintre figuratifs qui s’ignorent. Ainsi dans cette autre composition Max Ernst aurait pu rendre fidèlement l’image du sang vu sous le microscope. En peignant sans chevalet à la mode Japonaise [nom inconnu] ne se doutait pas que sa toile traduirait presque fidèlement les facettes bariolées des cristaux de sucre. Miro lui-même ne pourrait-il accepter pour modèle de cette toile l’image microscopique des cristaux de Salpêtre, quand à Marcel Duchamp qui a appelé cette œuvre «  passage de la vierge à la mariée » se doute-il de sa parenté avec l’acide tartrique. Drôle de rencontre. (Actualités Française 8/4/59)

On notera que Duchamp travaillait en secret sur « étant donné… » entre 1946 et 1966…  ce qui est une autre façon de comprendre le peintre comme regardeur.

Les jeunes hommes s’exercent à cette science du langage qui fait rire et s’attendrir les filles. Il n’est pas très doué pour cela. Une femme. Une image très précise qu’on cherche à leur cacher (pour mieux qu’ils la voit), ou celle que la publicité cherche à construire de toute pièce.

BombeH

Le tableau de la bombe H (anglaise ?) – huile sur toile 27 x 35 cm est une croûte de marché. Proche de l’universel couché de soleil qui ravit tout le monde excepté les amateurs de peinture.

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