Cauchemar

Cauchemar – huile sur toile – 25 x 37 cm

pendant longtemps, après le retour au pays, ils s’étaient réveillés avec comme premier réflexe celui de rechercher leurs armes.

L’horreur ! Peut-être ne viendra-elle pas jusqu’à ma chambre… Pourrais-je rester blotti dans mes couvertures pendant qu’on martyriserait mes parents, mes sœurs ? Pourrais-je rester comme cela, entendre les hurlements, les bruits de violence sans réagir ? Alors il faudrait agir ? Agir avec mon arme de pacotille !?  Un sabre en matière plastique ! En conservant l’avantage de la surprise ?
La maison n’a pas peur, elle s’endort, me laissant seule sentinelle.
Le silence… puis les ronflements du père, puis ses râles plaintifs ponctués de soubresauts, de hurlements. Lui, revit sa journée de labeur ou d’autres encore. Le silence enfin sous la bonne influence de ma mère qui vient de terminer sa lecture somnifère et a secoué son homme, l’obligeant à se tourner dans un angle muet…
J’attends, lorsque je m’assoupis, un frisson me parcoure l’échine, je sursaute. Où est passée mon arme ? Je tâtonne, la trouve enfin, la colle contre mon corps… je me détend. Dos à la porte, face contre le mur, est-ce bien prudent ? ils viendront dans mon dos, par surprise ! Je me retourne, scrute la porte, aucune lumière ne filtre… mais s’éclaireront-ils ? Discernerai-je la faible lueur d’une langue torche reniflant chaque marche des escaliers… ?
Je reste enfoncé sous les draps, seuls mes yeux débordent, ma tête est entièrement enfoncée dans l’oreiller… Je scrute les ténèbres où se dissimule la porte. Évaluer l’invisible me rassure un peu… Rien ne bouge, aucun souffle… Je m’assoupis, mes paupières lourdes m’entraînent…
La maison craque ; les parquets, les lits, sous le poids des corps endormis qui vivent de l’autre côté. Comme une prière au hasard, à la chance, pour que rien n’arrive pendant l’oubli qui m’envahit. Des craquements dans l’escalier qui travaille (lui aussi). Un nouveau craquement, un temps d’arrêt, quelqu’un monte l’escalier ! prudemment, marche à marche, afin de ne pas se faire repérer… Non, j’ hallucine… Le jeu des planches dans la nuit, la plainte nocturne de la maison,  les pas sont dans le couloir maintenant, ils évitent la chambre des parents, ils sont devant ma porte, c’est le moment tant redouté, les bandits sont devant la porte ! il faut agir, bondir. La porte s’ouvre doucement. Je sens le peu d’air qu’elle déplace écorcher mes oreilles. Le souffle des agresseurs, leur chaleur qui approche me grille le front, la nuque ! Qu’attendent-ils pour m’étrangler, me frapper ! Je dois agir, tenter l’impossible… Mes membres sont tétanisés ! Je bande mes muscles, réunis tout ce qui me reste d’énergie. Mon corps est plus lourd que la pierre et les secondes qui s’égrainent me condamnent un peu plus. J’essaie de hurler, d’appeler à l’aide, mes mâchoires sont soudées, ma langue pèse une tonne, ma gorge est sèche ; aucun son ne vient à mon secours ! La respiration se raréfie, la sueur m’inonde… Au secours ! Au secours crie le caillou, personne ne l’entend et le fleuve le charrie comme un fétu de paille… Allons mon garçon, le temps presse sauve-toi, défends-toi… Je bondis enfin, me blottit contre le mur, fouille l’obscurité, le silence. Les battements de mon cœur qui m’empêchent d’entendre quoi que soit ! j’interroge de la main la table de nuit, cherche en hâte l’interrupteur de la lampe, la lumière vide la pièce de tous ses monstres.

Ces peurs sont les miennes et semblent n’avoir pas de causes connues. Elles sont insensées.

Le noir des tableaux comme une façon (tardive) de les apprivoiser… ?

Organiser le noir. Comme dans la chambre de l’enfance, donner sens aux formes pour se rassurer.

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